“Trump Trades” : les boursicoteurs par l’odeur du trumpisme alléché

La victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine a déclenché une “Trump Trade” mania. Ces transactions boursières liées à des valeurs de l’univers Trump ne sont pas que le fait de spéculateurs et en disent long sur les préférences et espoirs des investisseurs, que ce soit dans le secteur des cryptomonnaies ou en matière de dérégulation.

Une image de Donald Trump incrustée dans un téléviseur à Wall Street.
Les « Trump trades », des transactions boursières liées à Donald Trump, sont essentielles à la bonne santé actuelle des marchés financiers américains. AP – Michael Probst

Tesla explose en Bourse, tout comme l’action du groupe Trump Media, tandis que le Bitcoin bat un record après l’autre. Telles sont les conséquences les plus visibles d’un phénomène financier appelé les « Trump trades ». Il fait les beaux jours de Wall Street depuis la victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine du 5 novembre.

Les « Trump trades » regroupent l’ensemble des achats et ventes d’actifs liés de près ou d’un peu plus loin à l’univers du futur 47e président des États-Unis, qu’il s’agissent de cryptomonnaie, de réseaux sociaux ou d’hydrocarbures. C’est évident pour Trump Media, l’entité qui chapeaute notamment Truth Social, le concurrent trumpien de X.

« Maga » boursier ?

Si l’action de Tesla a gagné plus de 40 % en Bourse en une semaine, c’est essentiellement parce que le PDG du constructeur de voitures électriques est Elon Musk, le multimilliardaire qui a très ouvertement et financièrement soutenu Donald Trump.

Idem pour le Bitcoin. Après l’élection de Donald Trump, la célèbre cryptomonnaie a battu son précédent record pour s’établir à 82 000 dollars, essentiellement parce que « Donald Trump était le candidat numéro 1 des investisseurs dans les cryptomonnaies », souligne Antoine Andréani, directeur de la recherche pour le courtier en Bourse XTB. Concrètement, durant la campagne électorale, Donald Trump a laissé entendre qu’en tant que président il pourrait « acheter jusqu’à 5 % de l’offre totale de Bitcoins pour créer une réserve stratégique de cette cryptomonnaie », précise Daniele D’Alvia, spécialiste des secteurs bancaires et financiers à la Queen Mary University de Londres.

Tous ces mouvements boursiers représentent la partie émergée des « Trump Trades ». « Ils sont le versant spéculatif de ce phénomène », souligne Antoine Andréani. La hausse de Tesla ou de Trump Media « n’a pas grand-chose à voir avec les fondamentaux pour ces sociétés, qui n’ont pas changé depuis la présidentielle », précise Alexandre Baradez, analyste financier pour le courtier en bourse IG France. Depuis la victoire électorale du candidat républicain, Tesla n’a pas vendu beaucoup plus de voitures et Truth Social n’a pas connu un afflux notable de nouveaux utilisateurs.

© France 24

D’autres « Trump trades » vont cependant au-delà de l’effet de mode. Pour Antoine Andréani, c’est, par exemple, le cas pour le prix du pétrole, qui s’entête à rester relativement bas « alors que le risque géopolitique est très élevé [en raison notamment des guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, NDLR] ». « Les investisseurs ont l’impression que Donald Trump va réellement résoudre aussi bien la crise au Moyen-Orient que la guerre en Ukraine, tout en dopant la production de pétrole aux États-Unis », analyse Antoine Andréani.

Les « Trump Trades » incarnent aussi la version boursière du « America first » du candidat républicain. « C’est l’euphorie sur les actifs nord-américains », note Alexandre Baradez. Les « valeurs domestiques, que ce soit les grands groupes ou les actions des petites entreprises américaines profitent globalement de ces ‘Trump trades’ », note l’analyste.

Autrement dit, les investisseurs anticipent bel et bien une politique favorisant tout ce qui est « made in America »… Au détriment du reste du monde. « On voit par exemple qu’il y a moins d’intérêts en ce moment pour des valeurs européennes ou chinoises », précise Alexandre Baradez. Le cours du dollar face à l’euro et au yuan connaît d’ailleurs un net regain depuis le 5 novembre.

Donald Trump, si rassurant…

Les « Trump trades » se sont traduits par un optimisme tous azimuts sur les marchés financiers nord-américains. Depuis la victoire électorale du candidat républicain, les principaux indices aux États-Unis – Dow Jones, Nasdaq, S&P 500 – sont à la fête.

« C’est essentiellement parce que les investisseurs détestent l’incertitude et qu’à leurs yeux Donald Trump représente l’inverse », souligne Antoine Andréani. L’idée que le futur président des États-Unis puisse apparaître comme le parangon de la certitude peut surprendre les observateurs politiques qui ont souvent qualifié Donald Trump « d’imprévisible ».

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Pourtant, pour les marchés, Donald Trump est rassurant. « Les investisseurs pensent pouvoir lui faire confiance, parce qu’il est un homme d’affaires qui connaît la Bourse, et aussi parce qu’il a donné l’impression d’avoir des idées claires et des priorités pro-marchés », résume Daniele D’Alvia.

Les priorités du futur 47e président et son passif de 45e locataire de la Maison Blanche suggèrent qu’il va « dynamiser Wall Street au nom de l’innovation financière et de la dérégulation », explique Daniele D’Alvia. Donald Trump a, notamment, répété à plusieurs reprises qu’il se séparerait de Gary Gensler, l’actuel directeur de la Securities and Exchange Commission (SEC – Organisme de contrôle des marchés financiers), jugé trop peu conciliant avec les intérêts boursiers du monde des affaires. Donald Trump a aussi laissé entendre qu’il comptait réduire la marge de manœuvre de la Banque centrale pour intervenir sur les marchés financiers. Il avait aussi été, durant son premier mandat entre 2016 et 2020, un « grand dérégulateur ». De quoi remplir les marchés financiers d’aise…

Marge de manœuvre réduite

Mais tout cet optimisme « peut aussi être un peu aveugle, et risqué », estime Alexandre Baradez. Ceux qui sont montés à bord du « Trump express » boursier, « font tout pour ignorer le fait que tout ne se passera pas forcément comme prévu », note Drew Pettit, analyste des marchés nord-américains pour la banque Citi, interrogé par le Financial Times.

Ainsi, ces « Trump Trades » « continueront uniquement si Donald Trump applique réellement son programme », nuance Daniele D’Alvia. Pas sûr qu’il puisse le faire. Les investisseurs veulent en effet y croire car cela c’était produit durant les premières années du précédent mandat de Donald Trump. « Mais à l’époque, l’inflation n’était pas un problème et le niveau de déficit légué par Barack Obama était bien plus bas », souligne Alexandre Baradez.

Cette fois-ci, Donald Trump aura bien moins de marge de manœuvre. La forte inflation qui a suivi la fin de la pandémie de Covid-19 vient à peine d’être maîtrisée par la Fed, et si Donald Trump reprend le chemin de la guerre commerciale, le risque d’un retour des hausses de prix existe. L’arme favorite du futur président – les droits de douanes – signifie, en effet, des produits importés plus chers. Quant au déficit, il n’a pas cessé d’empirer depuis 2016, et les promesses de baisses d’impôt de Donald Trump pourraient encore augmenter le déficit budgétaire de 7 500 milliards de dollars en dix ans, souligne le Wall Street Journal. Pas sûr que l’aile dite « fiscalement responsable » du parti républicain laisse Donald Trump plomber ainsi les comptes de l’État.

Les marchés financiers risquent donc de ne pas avoir tout ce qu’ils veulent. La déception des boursicoteurs pourrait alors être à la hauteur de l’euphorie suscitée par cette victoire électorale.

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