S’habiller «comme les riches» : la nouvelle tendance mode qui affole les réseaux sociaux
DÉCRYPTAGE – Pull sur les épaules, chemise bien repassée et mocassins en cuir… La tendance «old money» explose sur TikTok. Le concept est simple : il s’agit, à travers vêtements, de faire semblant d’être riche.
C’est une panoplie fantasmée. L’idée que l’imaginaire collectif se fait de la richesse. Celle d’un monde dans lequel on porte forcément un pull en cachemire sur les épaules. Alors, c’est sur le rythme entraînant de la chanson emblématique de France Gall, Ella, elle l’a sortie en 1987, que des ados se trémoussent face caméra en chemise impeccablement repassée, polo, pantalon cintré pour les garçons ou jupe crayon, collier de perles et sac en tweed pour les filles. Le tout dans des tons doux, épurés, clairs.
Voilà ce que les réseaux sociaux appellent la tendance «old money». Une mode qui compte pas moins de 2 millions de publications sur Instagram. Valeur, tradition, héritage et raffinement, tels sont les maîtres-mots de ce style conservateur qui séduit des millions de jeunes sous les hashtags #quietluxury (luxe discret), #oldmoney (vieil argent) ou encore #stealthwealth (richesse cachée).
Des codes précis mais fantasmés
Cette «trend», qui obéit à des codes bien précis, se propage à vitesse grand V au sein de la génération Z. Elle repousse l’ostentatoire et correspond au style que l’on attribue aux personnes bourgeoises ou nobles. «L’old money, qui est une construction, fait référence aux jeunes preppy de la haute société américaine, explique Caroline Courbières, professeur de sciences de l’information et de la communication à l’université de Toulouse III, qui étudie les phénomènes de mode. C’est pour cela que l’on parle de “old money” et pas de BCBG comme il y a trente ans, ou de style bourgeois.»
Pour la spécialiste, la référence aux États-Unis est limpide et liée tout particulièrement à une marque. «Ralph Lauren a construit une représentation très identifiable et idéalisée du luxe, celle d’une famille américaine new-yorkaise unie qui va dans les Hamptons, pratique le polo et de manière générale, a un style de vie aisé.» Citons aussi des griffes de luxe comme Loro Piana, The Row, Officine Générale ou De Bonne Facture qui proposent des classiques de qualité correspondant parfaitement à l’idée de vêtements élégants faits pour durer dans le temps.
Voilà ce que les réseaux sociaux appellent la tendance «old money». Une mode qui compte pas moins de 2 millions de publications sur Instagram. Valeur, tradition, héritage et raffinement, tels sont les maîtres-mots de ce style conservateur qui séduit des millions de jeunes sous les hashtags #quietluxury (luxe discret), #oldmoney (vieil argent) ou encore #stealthwealth (richesse cachée).
Faire comme les riches oui, mais pas n’importe lesquels
Ici, adieu logo tape-à-l’œil, cropped top ou jean large, on opte pour une allure discrète et toujours élégante, radicalement opposée au «new money» (nouveau riche), qui se définit par des pièces bling bling, à l’instar des tenues toujours plus brillantes des sœurs Kardashian. Chez les «old money», les modèles sont Lady Diana dans les années 90, vêtue d’un blazer, d’un col roulé et de mocassins. Ou, à la même époque, le couple mythique formé par Carolyn Bessette et John Fitzgerald Kennedy Jr se baladant dans les rues de New York en manteau camel, jean brut et jupe crayon beige.
Aujourd’hui, pour incarner la tendance, on pense en France à Charlotte Casiraghi, aux États-Unis au couple Amal et George Clooney ou encore à Sofia Richie, fille du chanteur Lionel Richie, aux 11 millions d’abonnés sur Instagram. De nombreux et nombreuses influenceurs s’en emparent aussi, tout comme des quidams de la toile.
Mais si pour certaines exceptions, l’esthétique est héritée et pas imitée, sur les réseaux, notamment Tik Tok, ceux qui l’adoptent et le montrent ne sont pas forcément riches. «Ce que transposent les jeunes c’est quelque chose de bricolé, c’est l’élaboration d’une image de mode, on est dans un processus de stéréotypage qui est propre à ce réseau social. On est face à une simple représentation, qui est erronée», précise Caroline Courbières. Une représentation inspirée aussi par la pop culture, notamment par des séries télévisées comme Gossip Girl ou plus récemment Succession, qui traitent chacune d’une élite fortunée. Dans la «vraie vie», beaucoup de personnes riches n’étalent pas leurs richesses à travers leurs looks, les multimilliardaires de la Silicon Valley, adeptes du «normcore», jean informe, t-shirt blanc et baskets, en sont la preuve.
Un classicisme rassurant
«Dans une série comme Gossip Girl, on est dans un mode de vie où il n’y a pas de menaces, analyse Alice Audrezet enseignante et chercheuse en marketing à l’Institut français de la Mode. Il y a l’idée que dès notre naissance il y a un truc privilégié. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde donc cela fascine.» Il s’agit aussi d’une envie de réassurance. On utilise des codes qui ne changent pas, que tout le monde connaît et qui font du bien en période d’inflation. Ils font rêver, sont une sorte d’aspiration à une vie plus aisée. «L’incertitude est très présente dans nos sociétés actuelles. Le “old money”, c’est un peu la quintessence du classicisme qui s’exprime par cette quête de référentiels très connus et appréciés», confirme Serge Carreira, spécialiste du luxe et maître de conférences à Sciences Po.