Quels rôles pour le quator Bemba, Kamerhe, Mbusa et Kazadi ?
Comment résoudre cinq équations majeures en 10 mois de gestion quinquennale ? Préparer les élections ; faire face à la guerre au front ; activer une diplomatie plus agressive ; rasséréner l’opposition interne et maximiser les recettes. Bemba et Mbusa seront de tous les fronts envers l’Ouganda, l’économiste Kamerhe sera écouté au Rwanda et au M23 et Lutundula poursuivra ses navettes entre Kinshasa, Luanda, Nairobi et Addis-Abeba. La gestion politique du territoire à Peter Kazadi. Un casting qui énerve l’opposition Lamuka.
Pour Luc Malembe, acteur politique de Lamuka, le nouveau gouvernement rendu public tard dans la soirée du jeudi 23 mars 2023 vient mettre à nu les accointances qui existent toujours entre Kinshasa, Kigali et Kampala. Félix Tshisekedi a compris que Kigali est affaiblie et qu’il convient de se construire des relais diplomatiques efficaces qui se chargeront d’ouvrir des contacts directs envers les agresseurs. Car, tout semble suspendu à la résolution de la crise sécuritaire qui ne cesse de faire des victimes dans les provinces orientales de la RDC.
Bemba, Kamerhe et Mbusa, des hommes de l’Est
Pour avoir monté sa rébellion avec le bénéfice politique, militaire et financier de l’Ouganda, Jean-Pierre Bemba Gombo est un homme respecté du système politique et militaire de Yoweri Kaguta Museveni. Il a contrôlé les entités frontalières de l’Ouganda. Ancien leader du Front de Libération du Congo (FLC), coalition qui mit ensemble le Mlc de Jean-Pierre Bemba et le RCD/K-ML de Mbusa Nyamwisi, Bemba a une parfaite maîtrise de l’Ituri, de la Tshopo et de Beni. Les deux anciens rebelles aujourd’hui réconciliés par l’ordonnance de Félix Tshisekedi vont devoir œuvrer ensemble dans un gouvernement de mission. Mission de rétablir la paix et la sécurité dans les zones troublées par le groupe terroriste du M23. Les deux furent chefs militaires, manipulant les armes. « Ils connaissent le terrain », commente un notable de Butenbo. Jean-Pierre Bemba est bien renseigné sur la problématique des Banyamulenge, qui l’ont soutenu pendant la guerre. Il sait comprendre leurs frustrations et sait comment leur parler. Bemba est logiquement un interlocuteur valable pour l’Ouganda. Tout comme Antipas Mbusa Nyamwisi, leader naturel de la puissante communauté Nande du Nord-Kivu dont l’influence économique déborde jusqu’en Ituri, dans la Tshopo, au Sud-Kivu et au Maniema.
Quant à Vital Kamerhe, il a le mérite de n’avoir jamais fait partie des mouvements insurrectionnels. Recruté par Laurent-Désiré Kabila, Vital a l’expérience inégalée des négociations pour avoir traversé tous les cycles des dialogues. Ancien président de l’Assemblée nationale, Kamerhe est un animal politique qui connaît tous les rouages et tous les acteurs politiques de la région des Grands Lacs. Kamerhe peut ouvrir toutes les portes de l’EAC et faciliter des règlements à l’amiable des différends. Habile, l’ex-speaker est capable de parler et de contenir les revendications des Congolais du M23. Il l’a d’ailleurs démontré en septembre 2022 lors de sa tournée dans l’est. À l’interne, Vital Kamerhe est très considéré dans les milieux de l’opposition et de la société civile. En cas de dialogue, il rassemble les atouts nécessaires pour réunir tout le monde autour de Félix Tshisekedi.
L’UDPS Peter Kazadi, gardien du temple
Cadre du parti, le juriste Peter Kazadi a la parfaite maîtrise du système Tshisekedi et sait « qui est qui et qui fait quoi », commente un fanatique du régime. Pour avoir été au cœur de la mise en place de la Ceni et de la Cour constitutionnelle, Peter doit s’être rassuré que rien n’échappera au contrôle du régime pendant les dernières tempêtes électorales. En décidant de le placer au méga ministère de l’Intérieur et Sécurité, Félix Tshisekedi verrouille l’administration et la gestion sécuritaire du territoire avant, pendant et après les élections.
La méfiance de l’opposition
Pour Lamuka, les ténors qui ont fait leur entrée au gouvernement Sama 2 semblent avoir été recommandés par Kampala et Kigali au point que seuls les naïfs peuvent attendre quelque chose d’intéressant pour le pays. Luc Malembe de Lamuka se convainc que « la position de Monsieur Kamerhe est connue dès le départ. D’après lui, il faut négocier avec le M23 pour mettre fin à la guerre d’agression dont notre pays est victime dans sa partie Est de la part du Rwanda. Seulement, il ne nous a jamais dit, en quoi justement une telle négociation devrait consister, sachant que les revendications actuelles de l’armée rwandaise déguisée en M23 sont essentiellement territoriales ». Pour cet acteur politique de l’opposition, le Rwanda ne cache plus ses prétentions expansionnistes sur une partie du Nord-Kivu et veut remettre en cause la délimitation des frontières héritées de la colonisation, en violation totale du droit international. Malembe rappelle que « Vital Kamerhe n’est pas inscrit dans la logique de faire la guerre au Rwanda comme cela est le souhait de la majorité des Congolais, en vue de laver notre honneur et défendre l’intangibilité de nos frontières ». Aux yeux de l’opposant, le leader de l’UNC veut donc que “nous puissions négocier sur l’intégrité de la République démocratique du Congo”. Encore très critique envers Mbusa Nyamwisi et Jean-Pierre Bemba qui, dit-il, sont deux hommes de main de Museveni. Des indiscrétions persistantes indiqueraient que « c’est d’ailleurs les deux hommes qui avaient convaincu Félix Tshisekedi de décréter l’état de siège. « C’est d’ailleurs Bemba qui a fait nommer Constant Ndima comme gouverneur militaire du Nord-Kivu, sachant que ce dernier est issu des rangs du MLC alors mouvement armé », commente l’acteur politique de Lamuka. Les deux ex-rebelles (Bemba et Mbusa) longtemps soutenus par l’Ouganda sont donc inscrits dans une logique erronée selon laquelle, seul le Rwanda nous agresse et l’Ouganda est notre allié ». Une fausseté, croit Luc Malembe.