L’hôpital Panzi n’a plus accès à ses comptes en banque car bloqués par l’administration fiscale qui réclame à cet établissement sanitaire 125 000 USD à titre de paiement d’impôts. Cet acte préjudicie l’hôpital et ses agents qui sont impayés, indique le Dr Denis Mukwege, initiateur de la Fondation Panzi.
« Il y a quelques mois, les agents de la direction générale de la direction générale des impôts sont venus à l’hôpital, ils ont fait leur contrôle et dans le cadre d’un redressement fiscal, ils ont demandé à ce qu’on paie 125 000 dollars à titre d’impôts sur cette nourriture qu’on donne, qui est considéré comme un avantage en nature. (…) Et ça, moi, je trouve que c’est dommage parce qu’au mois de novembre, nous n’avons pas payé les salaires, car nos comptes ont été bloqués par la direction générale des impôts », dit-t-il à ACTUALITE.CD.
Ce que le docteur Mukwege trouve injuste, c’est qu’on puisse taxer des « haricots et du riz ». Il explique que grâce à son prix Sakharov, il s’est investi pour nourrir le personnel soignant qui travaille pendant de longues heures à l’hôpital.
« Depuis que j’avais eu le prix Sakharov, ce prix était accompagné de 50 000 dollars, j’avais décidé à ce que cet argent puisse être mis de côté pour nourrir les travailleurs qui font un travail merveilleux, qui prennent en charge les victimes de violences sexuelles. Ils commencent tôt le matin et parfois, ça peut aller tard dans la nuit. Il n’y avait pas de système pour les nourrir pendant les heures de services. Depuis ce temps, nous avions pris cet argent, que nous avons mis à la disposition des agents pour qu’ils aient un repas par jour, du riz et des haricots ».
Le Prix Nobel de la paix met en exergue le caractère humanitaire de cet hôpital qui d’après lui, vit « des aides pour prendre en charge les victimes de violences sexuelles ».
« Nous vivons avec l’aide humanitaire. Si cette aide humanitaire va être ponctionnée par des impôts excessifs, c’est une façon de nous amener à fermer nos activités. C’est un travail qui devrait être soutenu par l’Etat congolais et payer les impôts, c’est tout à fait normal, nous payons nos impôts », confie M. Mukwege.
Des entraves
Avant la décision de la Direction générale des impôts (DGI), Denis Mukwege rappelle qu’il a déjà fait l’objet de restrictions alors qu’il devait se rendre en août dernier à Kisangani (Tshopo) pour animer deux conférences scientifiques à l’UNIKIS.
« Moi, je pense que ça peut être dommage si la restriction de l’espace démocratique va commencer de cette façon, à empêcher un hôpital de fonctionner ou des déplacements, je pense que c’est complètement ridicule de se comporter comme ça », se désole-t-il.
Le gynécologue redoute que ces « atteintes » ne puissent avoir des conséquences sur les élections .
« Si des évènements comme ça vont se poursuivre, je me pose la question quel type d’élections on va avoir. Je ne crois pas que ça pourrait être des élections démocratiques si on va utiliser la justice, les services de l’Etat pour harceler les citoyens avant les élections, je crois que ces élections ne seront ni crédibles, ni démocratiques », déplore Denis Mukwege lors d’un entretien avec ACTUALITE.CD.
Fondateur de l’hôpital de Panzi, dans la province du Sud-Kivu en 1999, M. Mukwege est reconnu comme l’un des spécialistes mondiaux du traitement des fistules. En 2018, Mukwege et son équipe affirmaient avoir déjà soigné plus de 50 000 femmes victimes de violences sexuelles perpétrées par des hommes armés dans le Sud-Kivu. Il avait d’ailleurs dédié le Prix Nobel reçu conjointement avec l’Irakienne Nadia Murad, « aux femmes de tous les pays meurtris par les conflits et confrontées à la violence de tous les jours ».
Chevalier de la Légion d’honneur (France), Prix des droits de l’homme des Nations Unies (2008), Prix Olof Palme (2008), Right Livelihood Award (2013), Prix Sakharov (2014), Denis Mukwege (67 ans) est également, depuis décembre 2017, docteur Honoris Causa de l’Université d’Angers (France).