Les acteurs de la désinformation russe en Europe et en Afrique sous sanctions européennes
Une photographie montrant le logo du Conseil européen avant une série de réunions à Bruxelles le 3 décembre 2024. AFP – SIMON WOHLFAHRT
Le Conseil de l’Union européenne passe à l’acte contre les menaces hybrides de la Russie en Europe et en Afrique. En octobre dernier, l’Europe condamnait des actions de sabotage combinées à des attaques informationnelles organisées par des agents russes. Désormais des mesures restrictives sont adoptées à l’encontre de 16 individus et 3 entités, responsables d’actions de déstabilisation.
Les personnes et entités nommément épinglées par le Conseil de l’Union européenne vont se voir appliquer un nouveau régime de sanctions élaboré en octobre dernier, en réponse à l’intensification des campagnes d’activité hybrides. Il s’agit d’activités menées à la fois en ligne et dans un espace physique à des fins de déstabilisation.
Parmi les responsables incriminés, l’unité 29155 des renseignements militaires de la Russie (GRU), connue pour ses opérations clandestines, de sabotages, attentats à la bombe et attaques cyber et autres campagnes informationnelles. L’objectif prioritaire de ces manœuvres informationnelles est d’amoindrir le soutien des pays européens à l’Ukraine. Cela va de la publication de faux articles de journaux sur de faux sites internet, aux opérations réelles avec le recrutement d’agents pour prendre les photos de tags visant expressément à semer le trouble dans l’opinion publique.
Le ciblage des agents du GRU… mais pas seulement
Sofia Zakharova, cheffe du développement de l’information et des technologies de communication au sein du bureau de l’information de la présidence russe et Nikolai Tupikin patron fondateur de GK Struktura – entrepreneur d’influence non-officiel – sont sur la liste des personnes sanctionnées, pour leur participation à l’organisation de la campagne dite Doppelgänger. Cette campagne toujours en cours permet de diffuser des articles de propagande mensongère à travers des sites miroirs de grands médias dans le monde entier. Si cette offensive peine à obtenir une visibilité importante, les autorités françaises estiment pour leur part, qu’elle contribue néanmoins à un « bruit persistant », visant à alimenter notamment le narratif anti-français dans plusieurs pays d’Afrique.
Le lien avec l’Afrique
Les mêmes structures épinglées par l’UE sont liées – plus ou moins directement – à tout un écosystème en Afrique, actif dans la diffusion de fausses nouvelles.
Le Groupe panafricain pour le commerce et l’investissement (GPCI), fondé par Harouna Douamba en 2022 au Burkina Faso, a constitué un vaste réseau à travers lequel sont relayées de fausses informations, visant tout particulièrement la présence française en Afrique. Cette entreprise d’influence a pris le relais de l’ONG Anacom, fondée dès 2011 par l’homme d’affaires ivoirien en République centrafricaine. Les Européens lui reprochent de « soutenir ou mettre en œuvre des politiques prônées par le gouvernement de la Fédération de Russie afin de saper la démocratie, l’État de droit, la stabilité et la sécurité d’États membres ou de pays tiers […] en facilitant le recours à des manipulations de l’information coordonnées et des interférences ».
Autre entité épinglée, l’association African Initiative, a été enregistrée en 2023 à Moscou. Elle fonctionne sous la férule d’Artem Kureev, qui dépend lui-même du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Le Conseil de l’UE lui reproche notamment des campagnes de désinformation contre les programmes d’organisations occidentales en charge de la santé. Cette association rémunère des journalistes pour répandre des narratifs conspirationnistes sur de pseudo manœuvres de guerre biologique et expérimentations par des laboratoires pharmaceutiques.
Gel des avoirs en Europe
D’autres membres de haut-rang de l’armée russe et des services de renseignement russe sont également sanctionnés. Ils ont en fait repris en main – pour le compte de l’État russe – les opérations mises en place par le défunt Evgueni Prigojine lorsqu’il dirigeait le groupe paramilitaire Wagner. Les personnes et entités visées par ces mesures restrictives verront leurs avoirs gelés dans l’UE, et feront l’objet d’une interdiction de circuler dans l’UE. Il leur sera également impossible de bénéficier de financements par des entreprises européennes.
L’Union européenne n’est pas seule à s’inquiéter des menées russes sur le sol européen, mais aussi dans des pays partenaires. Le Conseil de l’Atlantique Nord, mais aussi le Royaume-Uni, sont de plus en plus vigilants face à la recrudescence des menaces hybrides orchestrées depuis Moscou.