Donald Trump, le retour : rien ne va plus pour Pékin ?

ANALYSE
Asie-Pacifique

La victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine peut sembler de mauvais augure pour la Chine. Donald Trump a promis d’accentuer la guerre commerciale. Mais diplomatiquement, Pékin pourrait trouver des avantages à une présidence républicaine.

Le président chinois, Xi Jinping, face au président élu des États-Unis, Donald Trump, dans un montage photo.
Le président Xi Jinping a appelé Donald Trump pour le féliciter pour sa victoire tout en le mettant en garde contre les conséquences d’une relation conflictuelle. © Dan Kitwood, Nicholas Kamm, AFP

Fortes secousses en perspective. Les autorités chinoises doivent se préparer à une seconde présidence de Donald Trump avec une inquiétude certaine. Mais ils nourrissent aussi l’espoir de tirer une épingle du jeu diplomatique à venir avec Washington sous influence « Make America Great Again » (« Maga », le cri de ralliement des trumpistes).

Le président chinois Xi Jinping a conscience du risque posé par la victoire de Donald Trump. « Une relation [sino-américaine, NDLR] conflictuelle serait dommageable pour tous, alors que l’Histoire nous apprend qu’une coopération est bénéfique pour les deux pays », a-t-il soutenu auprès du vainqueur de la présidentielle américaine lors de l’appel passé jeudi pour le féliciter.

Les faucons à Washington

La coopération ne semble pas être au menu des républicains. « La ligne directrice de la politique chinoise va devenir encore plus dure », a prédit Mikko Huotari, directeur adjoint du Mercator Institute for China Studies (Merics), l’un des principaux cercles de réflexion sur la Chine en Europe, lors d’un point-presse organisé jeudi sur la Chine et l’Europe face à Donald Trump.

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La faute, en grande partie, aux hommes du futur président. Aux États-Unis, « tout dépend des personnes que le président choisit pour s’entourer », souligne Giovanna De Maio, spécialiste des relations internationales associée à la George Washington University et enseignante à Sciences Po Paris. En l’espèce, la garde rapprochée de Donald Trump « ne manque pas de faucons hostiles à la Chine », affirme Zeno Léoni, spécialiste des relations sino-américaines au King’s College de Londres.

Plusieurs poids lourds du camp anti-Chine aux États-Unis sont pressentis pour occuper des postes clés au gouvernement. Il est ainsi question du grand retour de Mike Pompeo, l’ex-chef de la diplomatie de Donald Trump en 2018, ou encore de Robert Lighthizer, qui a été le conseiller au commerce extérieur de Donald Trump lors de son passage à la Maison Blanche. Tous les deux sont perçus à Pékin comme des ennemis de la Chine.

Le durcissement de la position américaine passera probablement tout d’abord par l’économie. Et plus précisément les droits de douane. En 2016 déjà, Donald Trump avait ouvert le feu commercial contre Pékin en dégainant cette arme économique, établissant des taxes de 20 % sur la plupart des importations de Chine.

Un conflit commercial plus violent

Cette fois-ci, il a promis durant la campagne d’imposer des droits de douane de 60 % sur l’ensemble des importations chinoises. « Une mesure d’une telle ampleur représenterait une très sérieuse détérioration des relations entre les deux pays », assure le cabinet de conseil Dezan Shira & Associates, qui alimente le site China Briefing. Sanctionner ainsi les entreprises exportatrices chinoises serait un coup très dur pour la Chine, qui souffre déjà d’un fort ralentissement économique.

La menace de droits de douane à 60 % pourrait, cependant, représenter plutôt « un point de départ pour une négociation », estime Zeno Leoni. Donald Trump n’ira peut-être pas aussi haut, mais « il est clair qu’il faut s’attendre à des nouveaux droits de douane, même si cela signifie aussi une hausse des prix aux États-Unis pour les consommateurs », affirme ce spécialiste. Le panier de la ménagère américaine est, en effet, constitué en grande partie de produits fabriqués en Chine ou contenant des composants chinois.

Mais « Donald Trump n’est pas sensible à cette perspective, car il pense que les baisses d’impôt qu’il prévoit pour les plus riches et les grands groupes va pousser ces derniers à répercuter ces économies sur les prix de leurs produits », note Zeno Leoni.

Le nouveau conflit commercial risque aussi d’être plus violent parce que cette fois-ci, « la Chine est mieux préparée et davantage disposée à répliquer [à des mesures hostiles américaines] en visant des sociétés spécifiques », assure Mikko Huotari. Pékin pourrait très bien, si nécessaire, faire pression sur Elon Musk, grand allié de Donald Trump, en mettant des bâtons dans les roues du développement de Tesla, le fabricant de voitures électriques, en Chine.

Taïwan négociable ?

Si, économiquement, la Chine s’attend à prendre des coups, « elle peut espérer profiter diplomatiquement d’une seconde présidence de Donald Trump », juge Zeno Leoni. Trump l’isolationniste triomphant laissera-t-il la voie libre à la Chine pour étendre son influence ? En Asie, par exemple, pour contenir les ambitions chinoises, « Joe Biden avait mis en place un réseau structuré d’alliances, de pactes défensifs avec des alliés dans la région indopacifique, plus spécifiquement avec le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Australie », souligne Giovanna De Maio.

Donald Trump n’a pas la réputation de s’appuyer sur des alliés. Pour autant, là encore, « il y a des individus dans son entourage, comme Elbridge Colby [ancien conseiller du milliardaire républicain pour les questions de défense, NDLR], qui militent pour une augmentation des dépenses militaires en Asie, voire pour allouer davantage de moyens à cette région qu’à l’Europe », précise Giovanna De Maio.

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Il y a cependant des dossiers où les autorités chinoises peuvent espérer prendre l’avantage. À commencer par l’épineuse question de Taïwan. « Impossible de savoir quelle sera la stratégie d’une future présidence Trump, et durant la campagne, il a fait des déclarations qui ont pu laisser planer le doute sur son engagement en faveur de l’île », note Zeno Leoni. Il s’est ainsi plaint que Taïwan, un des principaux fournisseurs de puces informatiques dans le monde, « avait volé » le marché stratégique des semi-conducteurs aux États-Unis. Il a aussi suggéré que le territoire revendiqué par la Chine devrait « payer pour avoir la protection américaine ».

Une manière de suggérer que le sort de Taïwan est négociable à condition d’y mettre le prix ? « La stratégie américaine à l’égard de Taïwan est tellement ancrée dans la continuité que même Donald Trump ne pourra probablement pas revenir dessus », estime Zeno Leoni.

En revanche, Pékin connaît bien ce que Mikko Huotari appelle le « transactionnalisme radical de Donald Trump ». Pour le directeur adjoint du Merics, la Chine peut tenter de rendre Trump « ‘great again’ sur la scène internationale » en contrepartie de quelques concessions. Dans un monde secoué par les guerres, les Chinois peuvent, par exemple, essayer de faire pression sur la Russie pour arriver à une paix avec l’Ukraine au moment du retour à la Maison Blanche du milliardaire républicain. Une manière de permettre à Donald Trump de soigner son image de « faiseur de paix ». En retour, le futur président américain pourrait laisser Pékin avancer son agenda de « réunification pacifique ».

La Chine va aussi regarder de très près la réaction européenne à la victoire de Donald Trump. « Il y a des chances qu’une seconde présidence de Donald Trump crée des fissures dans le camp occidental, que Pékin pourrait exploiter. La Chine pourrait notamment tenter de relancer une collaboration plus étroite avec l’Europe ou certains de ses membres », résume Zeno Leoni.

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