Ce que Nollywood ne montre (presque) jamais »
Introduction
Nollywood, deuxième industrie cinématographique mondiale en volume, est devenue un pilier culturel en Afrique et dans la diaspora. Grâce à son accessibilité, ses récits familiers et son rythme de production effréné, elle a su captiver des millions de spectateurs. Pourtant, derrière cette abondance d’images et de récits, se cache un phénomène plus discret : la sélection très encadrée, parfois autocensurée, des sujets abordés. Entre pressions sociales, économiques et politiques, Nollywood évite souvent de représenter certains thèmes sensibles. Cette tendance soulève une question centrale : quels sont les sujets que Nollywood ne montre presque jamais, et pourquoi ?
I. Une industrie influencée par des normes culturelles et religieuses fortes
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La domination des valeurs conservatrices
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La société nigériane, fortement marquée par les valeurs religieuses (chrétiennes et musulmanes), impose des limites implicites à la représentation de certains sujets.
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La sexualité, l’homosexualité, ou les critiques explicites des religions y sont rarement évoquées, voire totalement absentes.
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Exemple : les personnages LGBTQ+ sont souvent caricaturés, diabolisés ou invisibles.
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La pression de l’acceptabilité sociale
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Pour éviter le rejet du public majoritaire ou de la censure officielle, les scénaristes préfèrent contourner certains sujets délicats.
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L’image de la femme, bien que centrale, reste souvent cantonnée à des rôles traditionnels (épouse, mère, séductrice punie…).
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II. Une autocensure liée à des enjeux politiques et économiques
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La peur des représailles politiques
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La corruption, les abus de pouvoir ou les violences d’État sont peu représentés de manière directe.
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Les rares films qui abordent ces questions le font souvent de façon métaphorique ou allégorique.
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La dépendance aux financements privés et aux plateformes
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Les producteurs évitent les sujets polémiques pour garantir la diffusion, notamment sur des plateformes comme Netflix, où les exigences commerciales favorisent des contenus « grand public ».
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Cela pousse à une forme de neutralité éditoriale.
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III. Des tentatives de rupture émergent malgré tout
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Une nouvelle génération plus audacieuse
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Certains jeunes réalisateurs, comme C.J. Obasi (Mami Wata, 2023) ou Akin Omotoso, commencent à aborder des thèmes marginaux ou à utiliser des codes esthétiques différents.
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Des films comme Òlòtūré (2019) traitent de la traite des femmes, un sujet longtemps évité.
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Le rôle des festivals internationaux et du streaming
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Les festivals internationaux encouragent des récits plus audacieux.
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Certaines plateformes soutiennent des projets expérimentaux ou engagés, ouvrant un espace pour ce que Nollywood taisait auparavant.
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Conclusion
Nollywood, malgré son dynamisme et sa capacité à raconter le quotidien nigérian, reste marquée par de nombreuses zones d’ombre. Les tabous sociaux, les risques politiques et les impératifs commerciaux poussent souvent à une autocensure subtile mais puissante. Toutefois, une évolution est en cours. Portée par une nouvelle génération de cinéastes et l’ouverture à un public plus global, l’industrie commence timidement à explorer ce qu’elle taisait autrefois. L’avenir de Nollywood dépendra aussi de sa capacité à briser ces silences.
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